DE L’ÉGLISE JUSQU’À LA COUR DE VERSAILLES

 

DE L’ÉGLISE JUSQU’À LA COUR DE VERSAILLES

Par Dominik Lagacé

L’histoire de la vielle à roue

Cette sculpture que l’on retrouve sur la Cathédrale de Saint Jacques de Compostelle et qui représente l’Organistrum, est sans doute l’une des plus anciennes représentations de ce qui deviendra plus tard, la vielle à roue. Plusieurs fois peinte au cours des siècles qui ont suivi, la vielle à roue semble avoir été promu à un destin glorieux. Instrument complexe, elle s’inscrit comme soliste et connait une vie mouvementée. D’instrument du mendiant, passant par celui du Diable, jusqu’à se retrouver dans les cours royales, elle se modernisa pour être encore utilisée aujourd’hui.

L’histoire de la vielle à roue est assez singulière et fort intéressante pour peu qu’on ait le courage de chercher un peu. Cependant, l’instrument est si ancien que nous en avons un peu perdu sa trace au fil des époques. Une chose est sûre c’est qu’il arrive plus ou moins au 11ème siècle, mais serait-il possible que la vielle à roue soit encore plus ancienne. Essayons d’y voir plus clair.

Sébastien Leclerc, considéré comme LE graveur le plus extraordinaire à l’époque de Louis 14 décide entre 1704 et 1706 de produire une gravure qu’il remettra au fil du Roi Soleil, Louis de France. Cette œuvre qu’est l’Entrée d’Alexandre dans Babylone illustre alors l’entrée du jeune conquérant dans la ville de Babylone accompagné de gens qui festoie (PRÉHAUD 2011).  

Dans l’œuvre de Maxime Préaud, archiviste paléographe, on y décrit en détail la troupe de musicien qui se retrouve au côté d’Alexandre sur la gravure faite par le graveur du 18ème :

« Au milieu de tous et, pourrait-on dire, au centre du premier plan de l’image, dans l’axe de la ziggourat babélienne qui domine la cité, une sorte d’aède barbu joue d’une vielle à roue, dont il manipule la manivelle de la main gauche et le clavier de la droite, ce qui pourrait signifier qu’il est gaucher, ou que Sébastien Leclerc a négligé de l’inverser pour la gravure » (PRÉAUD, 2011).

Cependant, était-il vraiment possible qu’en -323 la technologie est permis l’invention et la confection d’un instrument aussi sophistiqué? La question se pose. D’ailleurs l’historienne de l’art et musicologue française Florence Gétreau remet en doute l’exactitudes des éléments que Leclerc à peint tout comme Préaud semble le faire.

En ce sens, puisqu’il est difficile de mettre en lumière l’existence de la vielle à roue dès l’antiquité nous allons laisser de côté cette option. Avançons jusqu’aux 10ème siècle, là où par un besoin d’avoir un accompagnement musical continu pour les pièces religieuse, nait l’Organistrum (DEFRANCE 1985). Celui-ci nécessite deux personnes afin d’être joué. On retrouve un musicien à une manivelle qu’il utilise afin de faire tourner une roue, un archet circulaire. De l’autre extrémité, un autre musicien actionne des touches afin de faire évoluer la mélodie (DEFRANCE 1985). Le résultat est celui espéré par l’Église cependant celui-ci est très encombrant et il est donc impératif d’être en position fixe, dans ce cas, il faut être assis pour l’utiliser. C’est donc près de 100 ans après la naissance de l’Organistrum que nait, à son tour, la vielle à roue (DEFRANCE 1985).

Les régions qui ont vu l’expansion de la vielle à roue sont majoritairement européenne pour ne pas dire, françaises plus précisément. Toutefois on en retrouve sous d’autre nom, en Espagne, mais également dans le nord (DEFRANCE 1985).  Durant le Haut Moyen-Âge, l’instrument qui était surtout ecclésiastique change de mains pour se retrouver dans ceux des ménestrels ou des musiciens au cours du 15ème au 17ème siècle.  Cependant au 16ème siècle, la vielle à roue ce voit être majoritairement abandonnée aux mendiants (DEFRANCE 1985). Les iconographies du 16ème jusqu’au 18ème nous permettent cependant de mettre en lumière le déplacement social que vie l’instrument. En effet, dans ces périodes la vielle à roue devient symbole de la misère et du vagabondage (DEFRANCE 1985).

Malgré la position précaire dans laquelle la vielle se trouve, celle-ci suscite quand même l’aristocratie français jusqu’à se retrouver dans les plus beaux salons de Versailles.

Avec le renouveau de cette popularité, une production de masse est encore entreprise. Avec les innovations en matière de lutherie la vielle bénéficie d’une conception plus pointue et esthétique. Mais il n’y a pas que l’instrument qui se retrouve à être vêtu d’un manteau de velours mais le répertoire musical également. Plusieurs grands noms tels que Antonio Vivaldi, François Couperin ou encore Léopold Mozart compose pour la vielle à roue (DEFRANCE 1985).

Étonnement, l’instrument ne trouvera refuge que chez un faible groupe d’amateur et les symboliques passée continue d’entacher sa réputation. La primitivité de l’instrument reste si bien gravée dans l’esprit commun qu’en 1737 un abbé écrit dans une lettre :

« Ce n’est point le goût, encore moins la raison mais la mode qui a arraché ces instruments à la main des aveugles et des pastres à qui nos ancêtres les avaient relégués. Il faut même devenir Pantomime pour leur attirer quelque succès. Et sans les grimaces de ceux qui en jouent, il ne serait pas supportable aux oreilles musiciennes après qu’on les a écoutés pendant plus d’un quart d’heure » (BOULESTEIX cité dans DEFRANCE 1985). Dès le milieu du 18ème la flamme pour cette musicalité s’éteint et les vielles sont vendus à la petite bourgeoisie, qui elle aussi, s’en détachera tout aussi vite. Après les événements de la Révolution française les quelques vielleux restant se regroupe dans les rues pour jouer (DEFRANCE 1985).

Au Québec, et en Amérique du Nord en général, la vielle se trouve à être une denrée rare. On peut supposer qu’avec l’arrivée des premiers européens sur le continent, quelques musiciens ont fait partie du lot, accompagné de leur vielle. Il semble difficile à ce jour d’affirmer cette hypothèse avec certitude malgré la plausibilité. Aujourd’hui la fabrication de vielle à roue semble connaitre un nouvel essor. Avec les méthodes de fabrication moderne et les nouvelles technologies, de nouveau modèle de cet instrument on sut conquérir le cœur des musiciens curieux (ALTARWIND MUSIC 2022).

 

Dominik Lagacé

Chroniqueur historique

Étudiant au baccalauréat en Histoire à l’Université de Sherbrooke

BIBLIOGRAPHIE

-BRITANNICA, T. Editors of Encyclopaedia. « hurdy-gurdy. » Encyclopedia Britannica, February 24, 2012. https://www.britannica.com/art/hurdy-gurdy.

-DEFRANCE Yves. Présence de la vielle en Bretagne. In: Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest. Tome 92, numéro 3, 1985. pp. 241-256; https://www.persee.fr/doc/abpo_0399-0826_1985_num_92_3_3191

Hurdy Gurdy Instrument Shop-by George and Anwyn Leverett (altarwind.com)

-PRÉAUD Maxime, « Le vielleux d’Alexandre le Grand », Revue de la BNF, 2011/1 (n° 37), p. 81-87. DOI : 10.3917/rbnf.037.0081. URL: https://www.cairn.info/revue-de-la-bibliotheque-nationale-de-france-2011-1-page-81.htm

-WIKIPÉDIA. « Florence Gétreau ». Wikipédia. 23 février 2021 Florence Gétreau — Wikipédia (wikipedia.org)

ILLUSTRATIONS

– BRITISH MUSEUM. « L’Entrée d’Alexandre dans Babylone ». British museum, no. 1866,0623.83. print | British Museum

-WIKIPÉDIA. « Le Vielleur ». Wikipédia. Le Vielleur — Wikipédia (wikipedia.org)

-WIKIPÉDIA. « Organistrum ». Wikipédia. Organistrumsantiago20060414 – Organistrum – Wikipedia

 

 

 

 

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