Le purgatoire de la félicité

Le purgatoire de la félicité

Par: Léonie Adams

Prologue

New Hampshire, 1967

Isaac était un vieil homme. En fait, il n’était pas si vieux, c’était le temps passé dehors qui l’avait fait vieillir avant son temps. Itinérant depuis la grande noirceur de 1930, Isaac avait perdu tout ce qu’il possédait, même le cancer avait emporté sa femme. Au fil des années, il avait développé quelques stratégies afin de survivre aux hivers froids et aux intempéries. Il avait pour habitude de se tenir au coin des rues Manchester et Wilson. Il y avait, à cet endroit, un petit restaurant où les serveuses avaient toujours un café et une pointe de tarte pour lui. Il n’avait rien à part un sac dans lequel il y avait de vieux vêtements, une photo de sa femme et un livre d’Ayn Rand.

Le début d’une aventure

Comme tous les matins, Isaac arrivait à l’aube au coin des rues afin de saluer les gens et leur souhaiter une belle journée. Parfois, les gens répondaient et donnaient même quelques sous. D’autres jours, les gens étaient plus méchants, comme ce jour-là, le jour où trois jeunes décidèrent de lui jeter un café chaud en plein torse. Isaac n’avait aucune malice, mais ce jour l’emporta dans un tourbillon d’émotions mélangeant colère, tristesse et découragement. Il erra quelques heures dans les rues en maudissant la nouvelle génération ingrate. Il décida d’aller jeter un coup d’œil à la nouvelle bibliothèque qui venait d’ouvrir. Plus rien de pourrait lui arriver lorsqu’il serait là-bas.

Arrivé à la bibliothèque, Isaac remarqua l’affiche de bienvenue qui disait: ouvert à ceux qui veulent découvrir un Nouveau Monde. Lorsqu’il entra, la première chose qu’il vit était une petite dame, certainement plus vieille que lui. Il l’a salua, mais n’obtint aucune réponse de sa part. Il lui demanda alors où étaient les romans et elle lui pointa une direction.

Isaac passa de longues minutes à toucher les reliures de livre et il s’arrêta brusquement sur l’un d’entre eux. Il avait la nette impression qu’il émettait d’étranges vibrations. IL le prit et le feuilleta.

Au début, il ne comprenait rien. Le livre ne contenait ni un mot ni même une illustration. Puis, il se sentit emporté par un courant chaud qui brûla sa peau et ses poumons. Par réflexe, Isaac ferma les yeux, il était étouffé par la chaleur. Lorsqu’il les ouvrit de nouveau, il voyait exactement le même monde à la différence que tout était en feu et teinté de rouge. Il voyait très bien qu’il n’était pas dans le même monde, c’était devenu l’enfer au New Hampshire. Les gens erraient dans les rues en criant leurs malheurs et c’est alors qu’il se mit à ressentir toute la douleur des gens.

Dans la tempête

Isaac continua d’avancer dans la ville à la recherche d’un endroit plus calme et sans cris ni feu. Les gens qu’ils voyaient dans la rue, en temps normal si pressé par le temps et insensibles, criaient de douleur et d’autres semblaient morts dans les rues enflammées. Il n’en pouvait plus et, pensant devenir fou, il vit au travers des flammes cette vieille bibliothécaire qui, elle, n’était pas brûlée et ne semblaient pas être atteinte par l’effet des flammes qui l’entouraient. Il hurla à l’aide, mais la dame ne fit que le même geste que plus tôt et elle lui pointa une direction qu’Isaac s’empressa de suivre en courant. Comme il l’avait vécu plus tôt, il sentit ses poumons brûlés par l’oxygène, il hurla de nouveau de toutes ses forces, non de douleur mais de peur, et puis il ferma ses yeux pour un dernier voyage d’enfer qui le ramera dans sa vraie réalité.

Lorsque Isaac ouvrit les yeux, rien n’avait bougé. Il était toujours dans cette bibliothèque avec ce livre rempli de pages blanches. Pourtant son cœur battait la chamade comme s’il venait de courir un marathon. Il déposa le livre brusquement avant d’aller se planter devant la vieille dame. Cette fois pourtant, elle prononça une phrase qui allait prendre tout son sens, elle lui dit : « le livre que tu as choisi te montre ce qui est caché, la plupart des gens n’y voient que du feu… »

Isaac comprit alors que ce livre horrible révélait la souffrance interne des humains, aussi méchants pouvaient-ils être. Chaque personne ne naît pas fondamentalement mauvaise, elle le devient. Il faut être allé au fond de la douleur humaine, en avoir découvert les étranges capacités, pour pouvoir saluer du même don sans limite de soi-même ce qui vaut la peine d’être vécu.

La roue qui tourne

Bizarrement, la vieille dame offrit un emploi à Isaac à la seule condition de toujours bien conseiller les clients, sans quoi comme elle le disait : « Personne n’aurait la chance d’avoir ce qui lui est dû ». Une semaine passa sans aucun problème et puis une femme entra dans la bibliothèque avec un air morose. Isaac sut tout de suite qu’elle avait besoin d’un livre particulier. Il lui pointa une direction et il la vit disparaître dans le rayon, il entendit quelques pages se tourner et puis, plus rien.

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