L’hypothèse de la simulation

L’hypothèse de la simulation

Vanessa H. L.-Vanier

 

L’hypothèse de la simulation est une théorie qui remonte aussi loin que Platon. Remise au goût du jour par le philosophe Nick Bostrom, elle repose sur l’idée que s’il est possible de simuler la conscience humaine, alors les chances pour que ce soit déjà fait se rapprochent de 100%.



Dans le contexte de cette hypothèse, lorsqu’on parle de simuler la conscience humaine, on parle de réalités simulées, c’est-à-dire des civilisations humaines entières simulées à des fins d’études diverses. Ces « simulations d’ancêtres » pourraient être utilisées par exemple pour déterminer ce qui aurait pu être fait pour éviter la deuxième guerre mondiale. C’est un peu comme les Sims, mais à plus grande échelle.

Trois conditions doivent être remplies pour que cette hypothèse soit vraie.

Il s’agit plus d’une question philosophique que scientifique, mais la première condition est celle-ci: Est-ce même possible de simuler la conscience humaine à l’aide de la technologie? Est-ce quelque chose que notre univers permet? Est-ce que la technologie elle-même peut atteindre un niveau de perfectionnement qui rendrait ces simulations possibles? Est-ce qu’on peut parler de conscience lorsqu’on fait référence à un programme informatique stocké sur une clé USB? Et, est-ce qu’on peut vraiment parler d’êtres vivants?

On parle ici d’une conscience humaine similaire à celle illustrée dans l’expérience de pensée appelée: “Cerveau dans une cuve” ou en anglais: “Brain in a vat”. L’expérience consiste à placer un cerveau dans une solution qui le maintiendra en vie, puis on le branche à un ordinateur qui simulera les impulsions envoyées par un corps humain. La question est: l’ordinateur fait croire au cerveau qu’il a un corps, mais est-ce réel? Cela ne semble certainement pas réel pour nous qui avons conscience de l’ordinateur, mais pour le cerveau, la réalité dans laquelle il vit est la seule réalité qui existe. Donc je répète, est-ce réel? Et, si on réfléchit au fait qu’un tel être humain pourrait facilement être copié (ou cloné), les questions se multiplient rapidement.

La deuxième condition est la plus difficile à atteindre. Si les lois de l’univers permettent cette technologie, une civilisation doit pouvoir atteindre un niveau technologique permettant la création et le maintien de réalités simulées avant d’être détruite (ou de s’autodétruire). Selon les calculs du physicien Isaac Arthur, si on transforme toutes impulsions électriques d’un cerveau humain en bits (mesure de stockage de toute ordinateur: kilobits, mégabits, gigabits, etc.), avec une technologie optimale, on pourrait fournir assez de courant pour un million de cerveaux humains avec l’énergie nécessaire pour garder une ampoule allumée. À l’échelle de la Terre, ou 7 milliards d’êtres humains, on parle d’un mégawatt ce qui équivaut, selon Wikipédia, à la puissance du moteur d’une Koenigsegg One:1 (modèle de voiture suédoise extrêmement performante).

La troisième condition est qu’une civilisation qui peut produire ce genre de simulations y verra toujours un intérêt et une utilité, ainsi qu’aucune opposition morale. Une civilisation assez avancée ne verra peut-être aucun avantage à rejouer certains événements de l’humanité puisqu’elle aura déjà apprise de ses erreurs. De plus, les événements qu’on souhaite corriger sont rarement positifs. Si on parle de la deuxième guerre mondiale par exemple, on peut comprendre que beaucoup de gens auraient des scrupules à voir des milliers de gens mourir encore et encore dans des conditions, disons-le, horribles, seulement pour apprendre de nos erreurs passées. Créer ces simulations pourrait donc être déclaré illégal et un mégawatt d’électricité est difficile à cacher, même de nos jours.

Si ces conditions sont remplies, avec un budget de seulement 1 dollar par personne pour une planète de 10 milliards d’habitants (ou un budget de 100 dollars par personne, payé par 1% de la population), une telle civilisation pourrait maintenir 10 000 réalités simulées. En termes concrets, pour 10 milliards d’habitants ayant réellement vécus à notre époque, 10 billions d’habitants de plus auraient la même certitude que nous alors qu’ils vivaient dans une telle simulation. Avec des chiffres plus petits, on parle de 1 personne réelle pour 1000 personnes simulées. En résumé, si cette théorie s’avère vraie, il est statistiquement improbable que vous et moi soyons les originaux et les chances pour que nous nous trouvions déjà dans une simulation sont de 999 sur 1000 soit 99.9%.

 

Théorie intéressante, mais est-ce qu’elle change quoi que ce soit pour nous? Au final, non, car comme le cerveau dans sa cuve, notre réalité est la seule réalité qu’on connaît.

 

 

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